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Berger au pays de l’ours

Pastoralisme transhumant au fil des saisons

publié le 13 novembre 2004

Comme souvent, l’histoire est simple : mélange d’envies et de rencontres.
Par un froid et sec samedi d’hiver, j’étais au marché bio de Pau. Là, dans le simple présentoir fait de bois et de verre, les fromages en question étaient tellement beaux... qu’ils me semblaient vivants !

L’apparence de la pâte (avec des trous et d’une couleur dégradée, proche de la crème), la croûte (épaisse, juste ce qu’il faut et comme un espèce de crépis), et sa couleur (tirant presque vers l’orange), la forme et la taille (jamais vraiment la même).
Grâce à un petit outil, mélange d’épluche-légumes et de pelle à gâteau, j’ai pu goûter une fine lamelle de chacun des produits : vache, mixte et pur brebis. Le fromage que j’ai grignoté ce matin-là à Pau avait le goût de la montagne, il respirait ma vallée. Rachel et Daniel sont d’Izeste, en vallée d’Ossau et ont un troupeau d’une centaine de béarnaises.

Appareil photo en bandoulière, petit calepin à la main, je les ai suivi pendant plus de deux ans dans leur réalité quotidienne pour retracer, sans fard ni artifice, en quelques lignes de texte et plus de deux cents photos cette dure mais passionnante vie de berger transhumant au pays de l’ours.
Témoin muet, cherchant à me faire oublier d’eux pour mieux rentrer dans leur intimité, je les ai regardés faire et refaire les gestes ancestraux, vivre au rythme des saisons dans le respect de cette nature qui leur donne tant. Un art de vivre. L’amour du travail bien fait.

Être berger en 2005. Être berger au pays de l’ours. Noblesse d’un métier.


Portfolio

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COMMENTAIRES DU PORTFOLIO :

1 – La maison familiale (A casa)

Rachel et Daniel sont bergers à Izeste dans la vallée d’Ossau.
Izeste, qui veut dire “dans l’eau”, est un des trois plus vieux village de la vallée.
Ils habitent une vieille maison, composée de plusieurs parties, assemblées les unes aux autres au fil des années et même des siècles ! Ainsi, un des murs de leur maison faisait partie d’une ancienne chapelle, qui a maintenant disparue.
C’est ici qu’ils vivent, mais aussi qu’ils travaillent.
Une partie de l’année, ils y fabriquent leur fromage (issu de l’Agriculture Biologique), l’affinent et le stockent dans leur saloir, creusé sous leur propre jardin. C’est aussi ici qu’ils vendent une partie de leurs produits : le fromage “pur brebis”, bien sûr, mais aussi le mixte (mélange de lait de brebis et de vache) et le vache. Sans oublier le greuil, délicieux fromage blanc qui se mange en dessert avec du sucre, du miel ou de la confiture.

2 – L’agnelage (L’anherada)

Comme tous les ans, de la fin de l’hiver au début du printemps, c’est la période de l’agnelage.
En cette saison, le troupeau d’une centaine de brebis de race locale “béarnaises” reste à l’abri du froid, du vent, de la pluie et parfois de la neige, dans la bergerie, tout près de la maison d’Izeste.
Il faut surveiller, presque nuit et jour, les futures “mamans”, pour voir si les naissances se passent bien. Si les agneaux (les mâles) sont destinés à la vente pour la consommation de viande, certaines agnelles (femelles) seront préservées pour renouveler le troupeau et remplacer certaines brebis trop vieilles, qui ne donnent plus de lait.
Même s’il est difficile de prévoir les naissances, il est bien pratique de surveiller le calendrier lunaire. Ainsi, les naissances se produisent souvent 2 jours avant ou 2 jours après les changements de lunes. D’une année sur l’autre, la période de l’agnelage peut aussi bien durer quelques jours en mars, que s’étaler de janvier à mai.

3 - Le fourrage (La pastura)

Pendant l’hiver, l’herbe est rare et le climat peu favorable à la sortie du troupeau. Aussi, il faut nourrir les bêtes avec le fourrage stocké à la belle saison dans la grange à côté de la bergerie.
Rachel & Daniel travaillent dans le cadre de l’Agriculture Biologique et donc toute la nourriture donnée au troupeau doit obligatoirement être sans aucun produit chimique, quel qu’il soit.
Il est aussi important de bien nourrir les brebis, en faisant une différence entre celles qui vont agneler et celles qui ont déjà mis bas. Ainsi, ces dernières ont besoin de plus de force et en particulier de calcium pour le lait, or la luzerne en est particulièrement riche, cela sera donc leur nourriture de base. Les autres se contenteront du foin “ordinaire”, fauché, séché et ramassé pendant l’été, dans les champs alentours. Rachel & Daniel sont obligés d’acheter la luzerne, car ils n’en sèment pas et vont jusque dans le Gers, à plus de 100 km pour en trouver (la luzerne bio est rare dans les environs).

4 - A l’école des bergers (A l’escòla deus aulhèrs)

Même si leur travail est leur principale activité et leur prend énormément de temps et d’énergie, Rachel & Daniel ne s’en tiennent pas là. Pendant les périodes de vacances scolaires, ils trouvent aussi le temps de s’occuper de jeunes adolecents, parfois en difficulté familiale ou sociale. C’est par le biais de l’association “Enfants des Villes, Vacances des Champs”, qu’ils font partager leur passion pour le métier de berger à ces enfants.
Justement, l’un d’eux, accueilli à plusieurs reprises dans leur ferme, a eu l’occasion de participer à quelques travaux quotidiens et a ressenti ce lien très fort avec la nature et les animaux et a été sensible au respect de l’environnement, cher à Rachel & Daniel. Il a pris goût à la vie de berger et a décidé de s’inscrire dans une école d’agriculture, qui a une section spécialisée dans le pastoralisme de haute montagne. Il doit même revenir chez eux pour y faire des stages de formation et c’est pour eux une très grande satisfaction !

5 - Les préparatifs avant la montée (Lo caseratge abans la soouta)

A la fin du mois de mai, juste avant l’été, il est temps de se préparer pour monter vers les estives, pâturages de haute et moyenne montagne.
L’herbe en plaine est encore rase, juste après l’hiver et les bêtes ont besoin de se nourrir abondamment, car la traite du lait a repris son rythme habituel. Il faut donc se déplacer vers les grands espaces libres de la montagne toute proche et libérer les pâturages de la plaine, pour que l’herbe pousse suffisamment, avant d’être fauchée en été.
Cette période des estives dure 4 mois, soit un tiers de l’année et ce n’est pas rien ! Il faut donc tout bien préparer, avant de monter là-haut, même si maintenant (heureusement !) les accès aux cabanes sont plus faciles avec des chemins forestiers bien aménagés et des véhicules bien adaptés. Fini le temps des interminables voyages à travers les sentiers, tout juste accompagné par les ânes qui transportaient le matériel nécessaire pour faire le fromage en montagne.

6 – Los Cujalas (Los Cujalars)

De fin mai à début juillet, Daniel s’installe avec son troupeau et ses chiens dans une estive de moyenne montagne, au dessus de Laruns : Los Cujalas.
Si cette estive porte ce nom, c’est qu’elle était très appréciée des bergers de la vallée. En effet, les “cujalas” sont les noms qu’on donne en Béarn au lieu de vie du berger en montagne. Cette appellation correspond à l’ensemble constitué par la cabane, bien sûr, mais aussi l’enclos attenant (où dorment les brebis la nuit), le parc à traire (qui sert 2 fois par jour, le matin de bonne heure et le soir) et le terrain sur lequel vont paître les brebis.
Ici, le territoire est délimité par les éléments de la nature : crêtes, rochers, forêts, cours d’eau ou tout simplement la pente. Parfois, c’est la route qui fait office de “frontière”, mais ici, ce n’est pas le cas.

7 - Vers le quartier des granges (De cap a las bòrdas)

A l’heure actuelle, de moins en moins de bergers vont en moyenne estive, préférant nourrir le troupeau avec de l’ensilage (maïs broyé, avec la tige), en attendant d’aller vers les plus hauts sommets. Ainsi, Daniel est le dernier berger à fréquenter cette estive et mis à part sa présence à la fin du printemps, la cabane n’est utilisée que très rarement par des chasseurs et quelques randonneurs.
Ici, pas d’électricité, il faut monter à dos d’homme les grosses bouteilles de gaz, pendant presque une demi-heure, car la route ne va pas jusqu’à la cabane. Pas d’eau courante, non plus, mais la source fraîche qui coule au milieu du plateau est inépuisable.
Si Daniel dors à la cabane toutes les nuits (c’est mieux, aussi pour surveiller les bêtes), il fait l’aller/retour jusqu’à Izeste tous les jours, pour travailler à la ferme : l’été est aussi la période des foins.

8 - La transhumance (Amontanhà’s)

Début juillet, il est temps d’aller vers la plus haute estive, à Tourmont, près du Pourtalet. Pour cela, il faut faire la transhumance.
Tous les ans, à la même époque, hommes et bêtes vont, ainsi, marcher pendant des heures, pour atteindre leur but. Afin d’éviter tout problème sur cette axe vers l’Espagne, très utilisé en cette période de l’année, la route entre Laruns et le col du Pourtalet est interdite à la circulation pendant toute une nuit. Et des dizaines de troupeaux venant de toute la vallée et d’ailleurs, se succèdent les uns à la suite des autres, sur ce parcours sinueux.
Juste une halte à peu près à mi-chemin, à Gabas, pour se reposer un peu, reprendre des forces et faire un bon casse-croûte, dans un des deux restaurant du village, déjà réputé pour accueillir les pèlerins qui font route vers St-Jacques de Compostelle !
Mais il ne faut pas traîner car la route sera ré-ouverte à la circulation à l’aube et aussi parce que les brebis sont très excitées à l’idée de déguster l’herbe au goût de réglisse dont elles sont si friandes !

9 - L’estive (L’estivèra)

Enfin, c’est l’arrivée à Tourmont, après plus de 6 heures de marche, parfois sous la pluie, ou dans le brouillard. Mais le jour se lève et les premiers rayons du soleil réchauffent l’atmosphère un peu fraîche, à cette altitude (plus de 1500 m).
L’estive de Tourmont se trouve quasiment au pied du Pic du Midi d’Ossau et à, à peine quelques lacets de la frontière d’Espagne.
Les relations entre le Béarn et la province d’Aragon ont depuis toujours été très importantes. Ainsi, il existe des possibilités de pâturage pour les troupeaux des bergers espagnol, côté français et réciproquement. L’hospitalité, le partage et le respect règnent en parfaite harmonie, ici entre l’Espagne et la France et cela depuis des siècles.
Mais le temps presse. A peine arrivé, il faut se dépêcher d’installer le parc à traire, car il est l’heure de la première traite (celle du matin)... il ne faut pas faire attendre les brebis, impatientes de prendre leur quartier d’été !

10 - Le droit de pacage (La vacada)

La particularité de cette estive de Tourmont est qu’elle peut accueillir plusieurs bergers et leurs troupeaux. La cabane est partagée en 3 : une partie commune qui sert à la fabrication du fromage et 2 parties séparées pour vivre (manger et dormir), où peuvent s’installer 2 bergers dans chacune.
La répartition des estives est gérée par des syndics (qui représentent les bergers) et par les communes, en fonction de leur emplacement.
Pour s’installer, le berger doit payer une taxe qui comprend la location de l’habitation et du pâturage. Cette taxe est appelée la “bacade”, et vient du mot “vache”.
Ici la plus part des bergers pratiquent un pastoralisme voué à la fabrication du fromage, si réputé pour son goût si spécifique. Ailleurs dans les Pyrénées centrales (Hautes-Pyrénées, Ariège et Haute-Garonne), l’activité pastorale est dévolue en majorité à l’élevage pour la viande et les troupeaux sont beaucoup plus gros (plusieurs centaines et même milliers de bêtes), ce qui pose un problème de surveillance particulièrement important.

11 - Les chiens (Los cans)

Les chiens sont les compagnons indispensables du berger : sans chiens, pas de bergers !
Daniel est accompagné de deux ou trois chiens de berger des Pyrénées, qui ont pour tâche de guider le troupeau, en répondant à ses ordres. Ces chiens sont une race locale, malheureusement en voie de disparition (si personne ne réagit) et sont particulièrement adaptés au terrain de haute montagne. Vifs et de petite taille, ils sont aussi très instinctifs, intelligents et pugnaces. Surtout, ne le confondez pas avec le labrit (un peu plus gros), qui n’est pas un véritable chien de troupeau, même si certains l’utilisent. D’autres de plus en plus nombreux, travaillent avec des chiens de race Border-Colley, très doux et obéissant, mais pas toujours adapté aux pentes de haute montagne.
L’autre compagnon du berger dans les Pyrénées est le chien de garde : le célèbre patou (appelé, aussi “Montagne des Pyrénées”). De couleur blanche, avec ses longs poils, presque inaperçu, il dort au milieu du troupeau de brebis, mais gare aux intrus, humains ou animaux... et même l’ours ne lui fait pas peur !

12 - Le travail à la ferme (Lo tribalh de tot dia)

Entre Rachel et Daniel, la répartition des tâches se fait naturellement : leurs activités sont bien séparées (chacun son rôle... et c’est mieux comme ça !), question de complémentarité et d’organisation, question de caractère, aussi.
À Daniel, les grands travaux de la ferme et les montées aux estives, à Rachel, le marché bio à Pau, tous les samedis matins, mais aussi de s’occuper de la petite basse-cour, des cochons, de la gestion comptable, sans oublier les tracasseries administratives et bien sûr tout le quotidien. C’est elle, aussi qui s’occupe des quatre ou cinq vaches, et en particulier de leur traite.
Parfois, il faut aussi aller donner un coup de main à un voisin ou à un collègue paysan et la solidarité fait aussi partie de leur vie au quotidien : les petits paysans ont besoin de se serrer les coudes pour faire face aux difficultés de ce monde où malheureusement “produire” est plus synonyme de quantité que de qualité. Mais, eux, comme de plus en plus de petits producteurs, mettent leurs compétences et leurs savoir faire, au service d’une démarche respectueuse de l’environnement, qui va de pair avec la commercialisation de produits de très haute qualité, à des prix plus que corrects.

13 - La traite et la fabrication du fromage (Mólher e hromatgar)

Le rituel de la traite rythme l’activité de la journée. Deux laits différents pour 3 sortes de fromages : le “vache”, le “mixte” (vache-brebis) et bien sûr, le “pur brebis”.
Aidé par ses chiens, le premier travail du berger, consiste à retrouver, rassembler et ramener tout le troupeau vers la cabane, où se fait la traite.
La traite du soir se fait “à la fraîche”, c’est mieux pour les bêtes et plus agréable pour le berger. Le lait sera ensuite conservé au frais, jusqu’au lendemain et mélangé à celui de la traite du matin, pour avoir assez de quantité afin de faire le fromage (il faut 25 litres de lait pour un fromage de 5 kg).
En fin de matinée, Daniel fait chauffer le lait dans un chaudron et y ajoute la présure (coagulant naturel), avant de brasser le lait qui a alors caillé. Petit à petit, il forme une grosse boule, qui est ensuite égouttée et pressée dans un moule perforé (sorte de passoire), afin d’en extraire tout ce qui reste de “petit lait”. Enfin, les fromages sont laissée à égoutter, en attendant d’être salés.

14 - L’affinage (Lo madurar)

Les manipulations des fromages se poursuivent avec précision et précaution. Ceux du jour prennent la place de ceux de la veille et ainsi de suite.
Toute la partie affinage est plutôt réservée à Rachel, question d’organisation.
Travail précis et méticuleux, les fromages sont numérotés (gravés à la main), datés (précisément sur un agenda), salés de toutes parts (à des dates précises, en fonction de leur poids : dessus, dessous, sur le côté), retournés, brossés (d’une main ferme et souple), “bichonnés” même (tout un art !).
Ici, même s’il est fabriqué de la même manière, chaque fromage a sa propre spécificité : sa taille, sa forme, son goût, sa consistance et même sa couleur, sont fonction de critères aussi différents que la qualité de l’herbe mangée par les brebis, la température au moment de la traite, de l’humidité ambiante pendant la fabrication du fromage et bien d’autres choses encore. C’est cette diversité qui en fait sa richesse, fini la standardisation industrielle : chacun de leurs fromages est unique !

15 - Le saloir (La saladora / Lo sali)

Les fromages sont stockés dans le saloir creusé sous leur jardin à Izeste, en attendant d’être suffisamment secs pour être proposés à la vente, soit à la cabane de Tourmont, pendant l’été, soit chez eux à Izeste, pendant toute l’année, soit au marché biologique de Pau, tous les samedis matins.
L’affinage des fromages est quotidien. Le fromage est un produit de très haute qualité et il faut le surveiller sans relâche. Pourtant, l’été, difficile de faire le trajet tous les jours entre le Pourtalet et Izeste, pour porter le ou les fromages quotidiens. Il existe alors une solution intermédiaire avec la possibilité pour Rachel et Daniel de confier leur production à un des deux saloirs de Gabas. Ainsi, s’ils se réservent le salage avec du sel bio, bien sûr, pour pouvoir maîtriser au mieux la subtilité du produit fini, ils laissent une partie de l’affinage à la charge de l’un des deux professionnels du village. Celui-ci se paye en nature : 1 fromage prélevé pour s’occuper de 10 ou 12 boules... c’est la “dîme”.

16 - La descente (La baishada)

À partir de la fin août, le lait n’est plus bon pour faire du fromage. C’est la fin de la lactation, le lait est de plus en plus gras et il y en a de moins en moins.
L’automne est déjà installé quand Daniel qui est toujours l’un des deniers bergers à partir décide de rassembler le troupeau pour prendre le chemin du retour. Cela s’explique : sa centaine de brebis, des "béarnaises", sont mieux adaptées au climat et au relief, et protégées par leur épaisse toison de laine, le froid ne leur fait pas peur. Dans le langage courant, le mot "transhumance" est employé pour la montée. Pour le retour à la plaine, on dit "la descente", le retour au bercail.
La circulation étant moins dense du fait que la plupart des touristes ont regagné leurs pénates, aucun date n’est fixée pour cette descente et les bergers s’organisent comme ils le veulent. La météo dicte pourtant souvent sa loi. Il faut dire qu’à cette altitude, pratiquement 1800 m, la pluie a vite fait de se transformer en neige. Qu’il neige en plein mois d’août n’est peut-être pas très fréquent mais n’a rien d’impossible… alors plus on avance dans l’été, plus le risque est grand de voir l’estive se draper d’un grand manteau blanc. Mais aujourd’hui, les prévisions météo ne sont pas bonnes pour les jours à venir : il est temps de rassembler le troupeau et de partir.

17 - La tonte (La cogèra)

La tonte des brebis marque la fin d’un cycle. En général, cela se passe juste après la descente des estives et suivant les emplois du temps de chacun, car c’est aussi et surtout l’occasion de se retrouver entre amis, parfois venus d’assez loin, d’autres vallées.
Les vrais spécialistes de la tonte à la main (tout un art), commencent à se faire rare et les machines électriques remplacent bien souvent les forces (vieux ciseaux à tondre) et les pierres à affûter.
Pendant les estives, les brebis sont toujours dehors, non protégées du vent, de la pluie et parfois de la neige et ont, alors bien besoin de leur épaisse toison. Au contraire, l’hiver, elles sont bien abritées et au chaud dans la bergerie. Et puis on le sait la “béarnaise” est solide, résistante et la laine repousse vite.
De plus, de retour des estives, la laine des brebis est particulièrement propre. Toujours dehors, les brebis ne se salissent pas et justement, le vent et la pluie sont de très bons nettoyants naturels. Et si à une époque le prix de la laine avait beaucoup chuté, il reprend depuis quelque temps un peu de vigueur : la laine de mouton pour l’isolation des maisons est de plus en plus demandée.

18 - Le pèle-porc (La pelèra)

Tous les ans, en hiver, après les fêtes de fin d’année, un grand moment se prépare bien perceptible avec la tension qui monte : le pèle-porc.
Un dur labeur, étalé sur une semaine, (ou plus), mais quand même entrecoupé de quelques gueuletons et de vieilles histoires.
Tout va se passer dans la grande maison de famille, chez la maman de Daniel, non loin de chez eux.
Les préparatifs sont longs et précis. La main-d’œuvre (famille, amis, voisins) doit être disponible à la date prévue ! Toute une logistique, humaine et matérielle se met en place.
Moment de liesse que ce tue-cochon où chacun met son grain de sel, où on s’apostrophe à qui mieux-mieux mais où tout se termine finalement dans un grand éclat de rire. Moment privilégié où la bonne humeur règne.

19 - La cochonnaille (La porcalha)

Çà se bouscule un peu, dans la petite cuisine spécialement aménagée pour l’occasion.
Pourtant, le travail avance bien. Toute la série de charcuterie est quasiment prête : saucisses, bocaux de pâté, saucissons et andouilles ont suivi les boudins de la veille.
Une partie de la viande va être congelée : quelques rôtis, quelques côtes, des carboides (viande prélevée quelque part entre le lard et les côtes) et du coustou (haut de côtes). Le coustou... pas grand chose à manger, juste un peu de viande entre les côtes, mais, grillé au four ou à la poêle, piqué d’ail et bien pimenté, quel plaisir de le prendre à pleine main et d’escarer le moindre recoin. Le reste sera fait en confit, dans des vieux pots en grès ou dans des bocaux, plus tard dans la semaine.
Et puis, il y a la partie salaison, les ventrèches, bien sûr, quelques bouts de coustous, les jarrets des épaules et surtout, les jambons ! Pour les jambons, on ne va pas pouvoir en profiter de suite. Il faudra attendre plusieurs mois, pour qu’ils soient bien secs et pouvoir déguster ces merveilles !...

(Merci à Olivier Pédezert pour les titres en occitan)


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